Littorelle uniflore

Photographie de Littorella uniflora (L.) Asch.

Qui est la Littorelle uniflore (Littorella uniflora L.) ?

Malgré ses allures de gazon bien ordonné, la littorelle uniflore n’est pas une poacée mais une représentante de la famille des Plantaginacées. Ses fleurs sont toutefois moins tapageuses que celles de la digitale pourpre, une autre représentante de cette famille très protéiforme du point de vue morphologique. 

La littorelle uniflore est répandue dans presque toute l’Europe mais néanmoins souvent menacée. Elle est inféodée aux grèves humides soumises à des fluctuations périodiques du niveau de l’eau. Cependant, elle parvient également à se maintenir sous l’eau de nombreuses années comme cela semble être le cas au nord du lac de Neuchâtel. Dans ce cas, elle peut facilement passer inaperçue pendant de nombreuses années. En Suisse, elle est encore présente naturellement dans ou sur les bords des lacs de Constance, Majeur, Neuchâtel, Thoune et Zürich. Dans le canton de Genève, la littorelle uniflore a été réintroduite en 2019 sur une surface dévolue aux compensations écologiques à la suite des travaux de la Plage des Eaux-Vives et à l’extension du Port Noir.

Sur les grèves du Léman, l’espèce semblait autrefois beaucoup plus commune qu’elle ne l’est aujourd’hui, comme l’atteste la présence d’une quarantaine de parts d’herbier datant pour la plupart du 19e siècle. Elle est mentionnée pour la première fois dans la région en 1832. Entre 1941 et 1966, elle est signalée à la Pointe-à-la-Bises ainsi qu’à Russin, en amont du barrage de Verbois. Puis, les signalements de l’espèce sur le Léman cessèrent…jusqu’en 1992 où une station fut découverte à Messery, en Haute-Savoie. Douze ans plus tard, la population de Messery ne comptait plus que 37 rosettes. Il fallait donc agir ! 

En 2004, Français et Suisses élaborèrent ensemble un plan d’action interrégional. A partir de quelques rosettes prélevées au sein de la station de Messery, les Conservatoire et Jardin botaniques de Genève produisirent plus de 700 plants, qui ont ensuite été réintroduits entre 2004 et 2008. Depuis, la station de Messery se maintient grâce à un faucardage régulier des roseaux qui menacent la station. Toutefois, la station semble lentement décliner. Pis, les propriétaires actuels de la parcelle souhaiteraient mettre fin au faucardage pour des raisons de quiétude de l’avifaune. Serait-ce la fin de la littorelle lémanique ? 

En 2016, la ville de Thonon, en collaboration avec un bureau genevois d’études en environnement, lança un projet de revitalisation des rives du Léman. Le bureau suisse proposa, entre autres, l’aménagement de nouvelles zones favorables à la littorelle uniflore à Chens-sur-Léman et imagina même un système de brise-lames servant à protéger les plantations tout en faisant office d’îlots à sternes ! Les plants nécessaires à la réalisation de ce projet avaient été produits par une pépinière française à partir d’individus prélevés à Messery et cultivés aux Conservatoire et Jardin botaniques de Genève.

Au printemps 2023, les Conservatoire et Jardin botaniques de Genève cédèrent plusieurs milliers de plants à la pépinière française pour une multiplication à grande échelle en territoire français. Bien que les pieds français aient pu facilement passer en Suisse en 2004, il a été beaucoup plus difficile de les faire repasser de l’autre côté en 2023, s’agissant d’une espèce protégée dans un pays membre de l’Union européenne. Heureusement, Bruxelles considérait ces plants comme des plantes ornementales après plus de 10 ans de bons soins dans les couches de conservation des Conservatoire et Jardin botaniques de Genève. La production suisse put ainsi être écoulée sans heurts du côté français et servira à de futurs projets de conservation à Chens-sur-Léman ou à Yvoire entre 2024 et 2025. Les trois stations actuelles du Léman sont ainsi toutes issues de quelques individus prélevés à Messery en 2004 et multipliés dans les couches de conservation des Conservatoire et Jardin botaniques de Genève. Les futurs projets seront aussi issus de cette souche unique. 

En termes de conservation de la diversité génétique, cet exemple n’est probablement pas le meilleur. Toutefois, la force de ce projet réside ailleurs : ce qui en fait sa force et sa spécificité, c’est la mobilisation de deux régions aux systèmes politiques assez différents mais qui parviennent toutefois à collaborer à la protection d’une espèce

Bien que le déclin de la littorelle uniflore soit essentiellement lié à des activités anthropiques, comme l’urbanisation des bords de lac et la régulation du niveau de leurs eaux, menaces contre lesquelles il est difficile d’agir, tout espoir n’est pas perdu pour autant. En effet, il se pourrait que de nouvelles populations soient découvertes prochainement par la visite de stations potentielles pressenties sur la base de photo-interprétations, comme cela fut le cas sur le lac de Neuchâtel. Quoi qu’il en soit, cette espèce nous réserve probablement encore quelques surprises et de fructueuses collaborations avec nos collègues français.

Fiche technique de la station

Pointe à la Bise

Type d’action: Réintroduction
Technique: Plantation de plants produits aux CJBG
Motivation de l’action: Réintroduction d’une espèce disparue à Genève
Bilan de l’action: Échec
Raison de l’échec: La station n’était pas protégée des courants

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