Nomenclature Botanique: Les décisions clé de Madrid
Les botanistes assistant à la Section de Nomenclature précédant le 20e Congrès International de Botanique se sont prononcés sur un total de 433 propositions visant à amender le Code. Parmi les nombreuses décisions prises, on retiendra notamment celle de changer quelques noms scientifiques à connotation raciste.
Précédant le 20e Congrès International de Botanique, la Section de Nomenclature – à laquelle quatre de nos scientifiques ont participé – a entériné un certain nombre de décisions qui modifient le Code International de Nomenclature pour les algues, les champignons et les plantes.
Ce Code, dont la première édition remonte à 1867, regroupe l’ensemble des règles qui régissent et guident la dénomination scientifique des algues, champignons et plantes. Son contenu est rediscuté et amendé à chaque Section de Nomenclature et donne lieu à une nouvelle édition.
«Notre code est gouverné par ses utilisateurs. Seules les membres d’une section de nomenclature, qui réunit tous les six ans plus de 150 botanistes et mycologistes du monde entier, peuvent l’amender. Cela permet donc à des scientifiques représentants leurs institutions botaniques de se prononcer eux-mêmes sur la modification des règles qui régissent la nomination des plantes, algues et champignons. C’est assez unique et cela fonctionne!» explique notre Conservateur Martin Callmander.
Changement de noms de plantes à connotation raciste
Les botanistes assistant à cette session se sont prononcés sur un total de 433 propositions visant à amender le Code. Parmi les nombreuses décisions prises, on retiendra notamment celle de changer quelques noms scientifiques à connotation raciste.
Concrètement, cela signifie que les épithètes ayant la racine caf[f][e]r- – un terme qui vient de l’arabe, descriptif à l’origine mais péjoratif depuis le milieu du XXe car utilisé comme une insulte raciste durant l’apartheid en Afrique du Sud –, telles que cafra, caffra, cafrorum, et cafrum, seront traités comme des variantes orthographiques à remplacer par afra, afrorum, et afrum. Cela concerne environ 200 noms de plantes, champignons et algues, dont 56 sont en utilisation.
Ces modifications vont impliquer un travail de curation de notre herbier qui comprend de nombreux spécimens de taxons possédant cette épithète, ainsi que des changements dans nos bases de données en ligne comme l’African Plant Database.
«Deux botanistes Sud-Africains ont en effet proposé il y a deux ans de rayer tous les noms qui ont un épithète ayant la racine caf[f][e]r, proposition que nous avons entériné à Madrid» explique Martin Callmander.
«Ceci dit, les noms problématiques liés au colonialisme ne concernent pas seulement ce cas de figure, avec notamment la question de la nomination de plantes, champignons ou algues selon des personnages au passé douteux ou controversé. Le problème est que les règles qui régissent la nomenclature sont extrêmement complexes et que nous devons faire des pesées d’intérêt entre la stabilité des noms et le besoin de révision. Nous nous sommes ainsi mis d’accord en entrant un nouvel article dans le Code qui permettra de proposer le rejet de nouveaux noms qui sont péjoratifs ou désobligeants pour des groupes de personnes. Ce nouvel article ne s’appliquera ainsi pas de manière rétroactive et concernera les nouveaux noms de plantes proposés à partir de janvier 2026.»
«De plus, un “Special-purpose Committee” ou Comité Spécial a été mis en place pour discuter des questions éthiques liées à la nomenclature botanique. Il rendra son rapport à la prochaine section de Nomenclature en 2029.»
Changements de gouvernance
Les votes lors de cette session regroupent à la fois les votes individuels des scientifiques mais également des institutions botaniques. Selon sa taille, une institution pouvait avoir plus de voix qu’une autre, avec un maximum de sept voix. Ainsi, les Conservatoires et Jardin botaniques de Genève bénéficiaient, jusqu’à cette session, de sept votes.
Une décision prise à Madrid rééquilibre cela: dès le prochain congrès qui se tiendra au Cap en Afrique du Sud en 2029, chaque institution, petite ou grande, aura une seule voix.
«Cette décision a été prise de manière consensuelle et dans un esprit collaboratif, avec pour but d’avoir un système plus égalitaire et démocratique d’encourager la participation active du plus grand nombre possible d’institutions du monde entier» explique notre Conservatrice en cheffe et responsable de la Science Michelle Price.
Nomination de nos scientifiques et nouvelle édition du Code
Outre leur participation à cette session et leurs votes, nos scientifiques occupent des places importantes dans la gouvernance du Code.
Notre Conservatrice en cheffe et Responsable de la Science Michelle Price est à la fois membre du comité éditorial du Code – en charge de sa publication – ainsi que, en raison de son expertise sur le sujet, la responsable du Comité sur les bryophytes. Notre Conservateur Juan Carlos Zamora est quant à lui membre du Comité général sur la nomenclature qui reçoit toutes les propositions de conservation ou de rejet des noms, et a également été nommé, lors de cette session, au comité éditorial.
Ils seront ainsi tous les deux à Berlin en novembre, avec les autres membres du Comité éditorial, afin de rédiger la nouvelle version du Code.
Retrouvez toutes les décisions de modifications du Code International de Nomenclature pour les algues, les champignons et les plantes issues de la session nomenclaturale de Madrid dans la publication du journal Taxon du 23 septembre 2024.
La suite: le Congrès sur la nomenclature des champignons à Maastricht
Les propositions concernant le chapitre F du Code qui porte sur la nomenclature des champignons seront discutées durant le Congrès international de mycologie qui se tiendra en août à Maastricht aux Pays-Bas et auquel notre spécialiste Juan Carlos Zamora assistera.