Histoire d’une reconversion

Un long chemin vers le BIO

Ce projet vers le BIO est le résultat d’un long processus débuté il y a une dizaine d’années. C’est une succession de petits changements, de prises de conscience à la fois individuelles et collectives, et d’adaptation des méthodes traditionnelles de culture. Depuis de nombreuses années, nous utilisons autant que possible les méthodes de la lutte biologique, notamment au moyen d’auxiliaires dans les serres. Nous sommes également rapidement passés à la gestion différenciée, cette manière d’entretenir les parcs en fonction de leur usage, afin de laisser de la place à une nature plus sauvage, plus spontanée. Et pourtant nous avions conscience que nous pouvions faire encore mieux.

«Presque» BIO

En 2014, nous avons fait le constat que le Jardin botanique de Genève était «presque» BIO. Pour mesurer avec rigueur et précision le vide à combler pour être certifié BIO, une étude a été menée par un étudiant hepia pendant 6 mois au contact du terrain et des jardiniers. L’objectif était de clarifier la procédure administrative vers la certification, et de mesurer l’impact technique et financier d’une telle opération. À la suite des conclusions de ce travail, la décision est prise; le pas qui nous sépare du BIO est raisonnablement franchissable et sera réalisé avant la fin 2014.

Concrètement, quels changements techniques?

Une des principales difficultés a été de se familiariser avec la liste contraignante des intrants du FIBL. La règle veut que tous les intrants de l’exploitation doivent figurer dans cette liste. Nous avons dû ainsi bouleverser de nombreuses habitudes et rechercher des nouveaux fournisseurs à qualité de produits égale, voire supérieure. Par exemple, la fumure minérale des plantes a été complètement revue et remplacée par des engrais organiques. Avec des temps de réaction parfois plus longs, l’utilisation de ces engrais nécessite une adaptation des pratiques culturales de la part des jardiniers. Les substrats de culture ont été également reconsidérés, avec un objectif de travailler sans tourbe pour la production, ce qui correspond à une exigence supplémentaire par rapport aux normes de BIOSUISSE. L’alimentation des animaux d’élevage (ovins et caprins) ainsi que les protocoles de soins vétérinaires ont été également entièrement revus et corrigés pour se conformer au cahier des charges de l’agriculture biologique.

Et quels changements administratifs?

S’il est vrai que les principaux changements ont été d’ordre technique, un certain nombre d’adaptations administratives ont été également nécessaires. Toutes les opérations techniques (traitements phytosanitaires, traitements vétérinaires, achats d’intrants, opérations d’apiculture et d’élevage, etc…) doivent être strictement documentées et archivées pour assurer un suivi complet de l’exploitation. Ces exigences de traçabilité demandent la tenue à jour d’un certain nombre de registres consultables en tout temps sur l’exploitation. Le Jardin botanique de Genève s’est affilié à BIOSUISSE, l’organe fédérateur des agriculteurs BIO, à BioInspecta, l’organisme de contrôle des exploitants BIO, ainsi qu’à BioGenève, l’association cantonale des producteurs BIO.

Ethique de travail et ressources humaines

La réussite de ce projet tient essentiellement dans la capacité des jardiniers à accepter le changement. Concrètement, le passage en BIO ne demande pas nécessairement plus de travail, mais oblige à réaliser plusieurs adaptations. L’enjeu a été de trouver ensemble des solutions techniques (engrais, traitements, substrats, etc…) qui soient favorables et parfois même meilleures qu’auparavant. La responsabilité des collections vivantes du Jardin botanique de Genève (plus de 15›000 plantes de collections) ne laisse en effet pas le droit à l’erreur ou à l’approximation !

«Le label BIO représente une grande fierté pour tous les jardiniers des CJBG qui ont su relever le défi de la reconversion vers le BIO. Au-delà des aspects techniques, il s’agit véritablement de réinventer son métier, oser expérimenter, déconstruire des principes établis depuis de nombreuses années.»

(Nicolas Freyre, jardinier chef)

La responsabilité des collections vivantes du Jardin botanique de Genève (plus de 15000 plantes de collections) ne laisse en effet pas le droit à l’erreur ou à l’approximation !

«La responsabilité d’un patrimoine de plus de 9›000 taxons différents en collections vivantes ne laisse pas le droit à l’erreur. Pourtant, la volonté d’ouvrir la voie à plus d’écologie et de bonnes pratiques dans l’art de cultiver les plantes nous a poussés à entreprendre cette démarche vers le BIO.»

Nicolas Freyre, jardinier chef

La sauvegarde de la biodiversité est l’une des principales missions des jardins botaniques! Il apparaît donc tout naturel de s’engager à cultiver notre jardin selon les principes du BIO.

Après quelques années d’expérience, les jardiniers sont pour la plupart tous convaincus du bien-fondé de cette reconversion BIO. Au-delà des considérations écologiques, c’est aussi leurs conditions de travail et leur santé qui se sont améliorées!