Chantier d’assainissement des herbiers

Un important chantier de désinfection démarre actuellement dans les herbiers de plantes à fleurs (phanérogamie), afin de lutter contre une contamination d’insectes nuisibles, les Lasiodermes du tabac (Lasioderma serricorne), récemment détectés dans une partie de nos collections.
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Pour répondre à toutes les questions relatives à ce dossier, nous avons élaboré une série de Questions-Réponses.
Pour tous renseignements supplémentaires, merci de vous adresser directement à la Direction des CJBG:
Dr Nicola Schoenenberger
T +41 22 418 51 33
nicola.schoenenberger(at)ville-ge.ch
Questions et Réponses
1. Qu’est-ce qu’un lasioderme?
Le Lasioderme du tabac (Lasioderma serricorne) est un insecte appartenant à l’ordre des coléoptères. Il est reconnu comme un important ravageur dans les dépôts de stockage alimentaire mais menace aussi les collections de Sciences Naturelles. Il peut s’attaquer à des objets aussi divers que des planches d’herbier, des animaux empaillés ou des insectes. Sa présence dans nos collections, bien qu’inquiétante, peut être contrôlée par des méthodes bien connues dans le domaine muséal qui doivent être mises en place de manière urgente.
2. J’ai récemment participé à une visite guidée de l’herbier, est-il possible que j’aie pu emporter des insectes chez moi?
Non, car aucune visite guidée n’est menée dans les locaux où l’insecte a été identifié, actuellement en quarantaine.
3. Est-ce que ces insectes peuvent infester ma maison, mes plantes personnelles, mes livres?
Les conditions de température et d’humidité dans nos maisons ne sont pas favorables au développement de l’insecte: une infestation dans un environnement résidentiel est donc improbable.
4. Pourquoi avez-vous continué à proposer des visites guidées / à accueillir du public dans les herbiers?
Ce début d’infestation est limité à une zone restreinte des herbiers de phanérogamie. Dès que les premières occurrences de l’insecte ont été repérées, la zone concernée a été exclue du parcours des visites et des mesures de protection spéciales ont été mises en place pour éviter que le foyer d’infestation ne s’étende.
5. Quand avez-vous découvert cette infestation?
Même si les premiers individus de l’insecte ont été identifiés en juin 2021 par le programme de monitoring, le suivi des populations n’a montré des signes évidents d’infestation qu’à partir de l’été 2022. Depuis le début, les équipes des herbiers ont mis en place un plan très conséquent de désinfestation du matériel des herbiers par traitement à ultra-basse température (-25°C pendant 4 semaines).
6. Combien d’échantillons sont concernés?
Une quantification exacte est extrêmement difficile à établir et le nombre d’échantillons réellement endommagés n’est peut-être pas aussi élevé qu’on l’imagine. Néanmoins, dans un souci de conservation de la collection, nous visons à traiter l’ensemble des échantillons stockés dans la zone des herbiers où le foyer a été identifié. Nous estimons qu’environ 730 000 échantillons seront traités afin d’éradiquer les populations du ravageur.
7. Quelles collections sont touchées?
L’infestation concerne particulièrement la famille des Asteracées, les plantes à fleurs composées (famille du tournesol, de la laitue ou de la pâquerette). Cette famille de plantes est particulièrement prisée par le Lasioderme du tabac et nous estimons qu’elle est représentée dans nos riches collections par environ 500 000 échantillons. L’importance scientifique et patrimoniale de cette collection nous oblige à proposer d’importantes mesures d’éradication.
8. Comment pouvez-vous garantir que cette infestation est restée contenue et ne s’est pas propagée ailleurs dans les collections d’herbier?
Des mesures très strictes sur les accès aux locaux infestés, ainsi que sur la manipulation et consultation de matériel présent ont été mises en place dès le début. Les traitements par le froid effectués sur les foyers d’infestation en 2021, 2022 et début 2023 ont contribué à diminuer les dégâts provoqués par l’insecte ravageur. Afin d’éviter une infestation généralisée des herbiers, les efforts de surveillance ont été intensifiés et un protocole d’intervention rapide est appliqué.
9. Pourquoi n’entendons-nous parler de cette problématique que maintenant?
Le personnel concerné ainsi que la Direction ont été informés du problème dès l’apparition des premiers individus identifiés pendant l’été 2021. L’ampleur des mesures que nous sommes actuellement en train de déployer est l’occasion de communiquer plus largement sur la question.
10. Quels sont les moyens de lutte standard utilisés contre les lasiodermes?
Comme la plupart des musées d’histoire naturelle, nos herbiers ont appliqué jusqu’en 2015 une désinfection préventive bisannuelle avec des insecticides chimiques. Ces produits ayant un impact négatif sur l’environnement ont été abandonnés il y a presque 10 ans. Depuis, des méthodes plus respectueuses de l’environnement ont été mises en place. Nous pouvons citer, parmi d’autres, la méthode de la congélation de matériel, l’emploi de hautes températures (60°C pendant 2 jours) et l’anoxie (privation d’oxygène pour éliminer les insectes ravageurs).
11. Avez-vous fait appel à l’expertise d’autres institutions qui ont connu les mêmes problèmes?
Dès le début de l’infestation, des contacts ont été pris avec plusieurs herbiers en Suisse et ailleurs en Europe. La plupart des collections partagent la même problématique et des protocoles communs se mettent actuellement en place pour mieux comprendre la biologie de l’insecte et la façon de l’éradiquer. Des experts externes sont venus évaluer l’infestation dans nos collections.
12. Quelles mesures ont été déployées aux CJBG pour contenir l’infestation?
- Congélation du matériel d’herbier où ont été identifiés les foyers d’infestation (congélation des échantillons à -25°C pendant 4 semaines)
- Surveillance et monitoring des populations d’insectes (intensification des pièges à phéromones et lampes UV)
- Mise en place de mesures strictes de manipulation, transfert et consultation du matériel stocké dans les salles où l’insecte a été identifié
- Exclusion des salles concernées de toute activité publique de médiation
13. Pourquoi ne pas utiliser des méthodes plus drastiques?
Les insecticides traditionnellement utilisés pour enrayer ce type d’infestation (par exemple gazage au Fluorure de Sulfuryle, au Bromure de Méthyle, etc.) ont été interdits par les autorités suisses et européennes à partir de 2015, ou le seront bientôt. Ces méthodes chimiques provoquent des dégâts sur l’environnement. Des méthodes dites «physiques» ou «non-chimiques» comme la congélation, le chauffage ou l’anoxie sont maintenant privilégiées par la plupart des herbiers et des collections des musées d’histoire naturelle, en parallèle à un renforcement des méthodes de lutte préventive faisant partie de tous programmes de Lutte Intégrée de Ravageurs (Integrated Pest Management – IPM). Toutes les méthodes appliquées doivent toujours garantir l’intégrité physique des supports du patrimoine.
14. Quelles sont les prochaines étapes pour éradiquer cette infestation?
La mise en place d’un chantier d’anoxie cet automne, parallèlement à une série de congélations pour quelques lots de planches d’herbier et des collections hors-format standard (bois, fossiles, galles). Cette opération se fait cet automne, entre les mois de septembre et de novembre.
15. En quoi consiste l’anoxie?
L’anoxie est une méthode physique de contrôle de ravageurs largement employée dans les musées d’histoire naturelle. Le principe de base est l’asphyxie de l’insecte par le retrait de l’oxygène (taux inférieur à 0.1%) dans une bulle étanche. Cette méthode, beaucoup plus écologique que les traitements chimiques, permet l’éradication de l’insecte à tous les stades de développement (œufs, larves, adultes). Par ailleurs, tout comme la congélation, elle n’entraine aucun dommage sur les collections.
16. Combien de temps durera cette prochaine étape de désinfestation?
Le matériel infesté sera traité par anoxie pendant quatre semaines pendant le mois d’octobre.
17. Pouvez-vous garantir que l’anoxie éradiquera l’infestation?
Toutes les études scientifiques effectuées mettent en évidence la grande efficacité de cette méthode tout en garantissant l’intégrité physique des supports du patrimoine. Elle a l’avantage d’éradiquer l’insecte à tous les stades de son développement (œufs, larves, adultes) sans altérer les collections.
18. Quels sont les pourcentages de réussite de l’anoxie?
Très élevés. Des études scientifiques montrent que cette méthode est très efficace.
19. Quel est le coût de cette désinfestation?
Le coût de l’opération est d’environ 200 000 francs suisses. La valeur des échantillons des herbiers traités est en revanche inestimable. Une déclaration de sinistre a été faite auprès de l’assureur de la Ville.
20. Peut-on garantir une désinfestation à long terme?
Non. Les populations de l’insecte seront pratiquement éradiquées avec le traitement d’anoxie, mais tant que les conditions climatiques dans les herbiers restent favorables au développement de nouvelles populations de l’insecte (température supérieure à 20°C et humidité supérieure à 50%), nos collections courent toujours un risque. Certes, nos mesures préventives seront renforcées, mais une solution définitive ne sera effective que lorsque les conditions climatiques nécessaires à la conservation des collections des herbiers seront remplies. Une réflexion est en cours afin d’évaluer la faisabilité et le coût de la mise en place d’un système de gestion du climat dans l’ensemble des locaux des herbiers et de la bibliothèque des CJBG.
21. Quelles sont les conditions optimales pour conserver les collections des herbiers et garantir un environnement sain sans infestation?
L’ensemble des collections des herbiers privilégient les paramètres climatiques suivants dans leurs salles: des températures qui ne dépassent pas les 20°C et une humidité relative qui ne dépasse pas les 50%. Une constance dans ces paramètres est également essentielle, car de trop grandes fluctuations peuvent provoquer des dégâts importants sur les plantes séchées et le matériel de support.
22. Pouvez-vous garantir ces conditions optimales pour la préservation à long terme des collections d’herbier des CJBG?
Actuellement ce n’est malheureusement pas le cas. En absence d’un système de gestion des conditions climatiques actif dans nos salles des herbiers et de la bibliothèque, ces conditions ne sont pas respectées de juin à octobre.
23. Combien coûterait une remise à niveau des herbiers (mise en place d’une gestion des conditions climatiques) pour garantir des conditions optimales et un maintien optimal des collections des herbiers?
L’évaluation est en cours et nous ne pouvons pas répondre à cette question pour l’instant.
24. Qui finance cette remise à niveau?
Les collections des CJBG relèvent de la responsabilité de la Ville de Genève. Vu le caractère unique de ces collections, une partie du budget pourrait provenir de la Confédération.
25. Une dépense importante peut-elle se justifier?
En raison de son histoire, notre herbier compte parmi les dix plus importants au monde. Il est utilisé au quotidien par les scientifiques du monde entier pour améliorer notre compréhension autour de la diversité du monde végétal. Héritiers de ces collections exceptionnelles, il est de notre devoir de les transmettre intactes aux générations à venir. La pérennisation de nos collections des herbiers, reconnues au niveau national et international pour leur exceptionnelle valeur scientifique et patrimoniale, dépend des bonnes conditions climatiques proposées dans les différentes salles des herbiers stockés dans le bâtiment de Bot-5 et le bâtiment historique de La Console. Certaines de nos collections ont plus de 300 ans ou ont appartenu aux plus grands personnages de la botanique mondial. Les collections d’herbier des CJBG présentent une énorme proportion d’échantillons types, équivalent du «mètre étalon» de plus de 100 000 des 300 000 espèces de plantes décrites sur terre.
26. Un système de gestion des conditions climatiques est gourmand en énergie, qu’en est-il de l’impact sur l’environnement?
Certes énergivore, l’emploi d’un système de gestion des conditions climatiques pour les collections est toutefois le seul moyen de proposer des conditions correctes pour la pérennisation de nos collections accumulées par la Ville de Genève depuis 200 ans et certaines ayant été récoltées il y a plus de 300 ans. Nos collections ont été mises à disposition des chercheurs botanistes depuis la fondation du Conservatoire en 1824. Les toits du bâtiment des herbiers représentent une surface conséquente sur lesquels il est envisagé de déployer les panneaux solaires nécessaires à la climatisation des collections. Le photovoltaïque est le plus productif pendant les mois d’été, c’est-à-dire à la période de l’année concernée par l’utilisation d’un système de gestion des conditions climatiques actif, on peut donc envisager un système neutre en CO2.
27. Est-ce que le risque zéro peut être envisagé?
Non. Dans tout processus biologique, le risque zéro n’existe pas, mais nous pouvons le diminuer drastiquement, et le traiter de manière précoce à travers le renforcement de nos pratiques de conservation, le monitoring et la réaction rapide. Sur le long terme, il est nécessaire d’assurer des conditions climatiques contrôlées, notamment à travers un système de de gestion des conditions climatiques actif.
28. Quelles sont les mesures mises en place pour détecter d’autres éventuelles infestations le plus tôt possible?
Intensification du monitoring par la voie de pièges à phéromones et lampes UV.
Renforcement de pratiques préventives au niveau de la réception des nouvelles acquisitions (échanges et dons de plantes, ainsi que les récoltes des chercheurs des CJBG) qui arrivent dans notre institution.
29. Les scientifiques, peuvent-ils toujours visiter l’herbier?
Non. Afin de concentrer tous nos efforts sur les activités de désinfestation des foyers identifiés, toutes les nouvelles visites scientifiques ont été refusées et leur auteur invité à s’annoncer à partir du début 2024, date à laquelle nous retrouverons un fonctionnement normal.
30. Le public, peut-il toujours visiter l’herbier?
Plusieurs visites guidées programmées pour cet automne dans les herbiers, notamment dans le cadre des «Variations Botaniques» ou les «Visites de Dimanche», seront réalisées dans d’autres espaces de médiation ou annulées. Les informations seront dûment diffusées par le site internet des CJBG et relayées dans les agendas des médias.
31. Est-il toujours possible d’emprunter des échantillons (scientifiques seulement)?
Non, le traitement de toutes nouvelles demandes scientifiques (demande de prêts, scans, renseignements) est reporté à début 2024.
32. J’ai emprunté des échantillons l’année passée, est-il possible que ces échantillons aient été contaminés?
Cette possibilité existe, mais elle est sans conséquence car à l’arrivé d’échantillons extérieurs, tous les herbiers nationaux et internationaux effectuent systématiquement une désinfection par congélation. Le risque d’infestation est de cette manière exclu.
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On parle de nous
- Le Journal, Léman Bleu, 29.08.2023. Delphine Palma. «Un coléoptère grignote les prestigieuses collections de l’herbier du jardin botanique» avec Nicola Schoenenberger.
- RadioLac - Actualités Genève, 28.08.2023. Laurie Selli. «Les herbiers du Jardin Botanique en proie à un insecte ravageur»
- Tribune de Genève, 23.08.2023. Xavier Lafargue. «Un insecte s’attaque aux inestimables collections du Jardin botanique»
- Schweizer Bauer, 23.08.2023. sda. «Tabakkäfer nagt an wertvoller Sammlung»