Champignons : les génomes une comme nouvelle référence pour leur description ?

Le monde des champignons est encore largement méconnu. Les scientifiques n’en ont en effet décrit qu’une infime partie, soit environ 150›000 espèces. Or on estime  qu’il reste à décrire entre 90 et 99 pourcents de la diversité fongique, soit entre 2,2 et 3,8 millions d’espèces ! La raison: un monde infiniment petit, caché dans les sols et souvent invisible à l’œil nu. Alors, comment faire ?

Pourquoi décrire cette diversité et comment ? 

Pour protéger la biodiversité fongique, il est indispensable de la connaître. « On ne peut protéger que ce que l’on connaît » rappelle Nicola Schoenenberger, directeur de l’institution. « Donner un nom à une espèce, c’est lui conférer une existence officielle, base essentielle pour toute évaluation de son statut de menace et la mise en place de programmes de conservation. Cette description est également essentielle pour les domaines pharmaceutique, alimentaires, médical ou encore en agronomie.»

Chaque nouvelle espèce de plante, algue ou champignon est décrite à partir d’un type, c’est-à-dire un spécimen de référence, séché et conservé dans un herbier. Mais ce procédé n’est pas toujours applicable, notamment pour les champignons microscopiques ou unicellulaires. Une illustration peut ainsi faire office de type lorsque la conservation physique s’avère impossible.

Avec l’émergence des technologies de séquençage massif de l’ADN, une partie de la communauté scientifique propose, depuis 2016, d’utiliser ces séquences – sous forme de données digitales – comme types pour décrire certaines espèces fongiques. En théorie, on pourrait, sur cette base, décrire de nouvelles espèces sans jamais les avoir observées, à partir de séquençages massifs du sol ou de l’air. Une proposition qui ne fait pas l’unanimité et suscite débats et discussions. 

Un sujet débattu par les mycologues du monde entier

Notre Conservateur et mycologue Juan Carlos Zamora participe activement à ces échanges. En avril dernier, il a pris part à un symposium sur le sujet rassemblant près de 100 mycologues du monde entier. 

« Nous avons discuté des avantages, des limites et des conditions dans lesquelles les données ADN pourraient servir de types » explique-t-il. Dans ce cadre, il a notamment défendu des critères rigoureux pour encadrer leur usage, suggérant que le recours à l’ADN comme type soit limité aux champignons microscopiques impossibles à conserver en collection et uniquement lorsque ces données génomiques sont complètes et soutenues par une illustration.

Vers une évolution du cadre réglementaire pour les champignons microscopiques?

Lors de ce symposium, l’idée d’utiliser des séquences courtes d’ADN comme types à partir de séquençages massifs du sol ou de l’air a été largement rejetée en raison de nombreuses limites techniques et scientifiques. 

En revanche, l’utilisation de génomes complets de haute qualité comme types a été retenue, notamment pour certains champignons microscopiques qui peuvent déjà être décrits avec une illustration comme type, mais pour lesquels un échantillon d’herbier ne peut pas être conservé. Pour ces organismes, un génome est en effet souvent plus utile comme type qu’une illustration.

Une proposition visant à intégrer cette option dans le Code international de nomenclature pour les algues, les champignons et les plantes – l’ouvrage qui regroupe l’ensemble des règles qui régissent et guident la dénomination scientifique des algues, champignons et plantes – sera publiée dans les deux prochaines années afin d’être discutée lors du Congrès International de Mycologie qui se tiendra à Incheon en Corée du Sud à l’été 2027. Affaire à suivre !